Après avoir participé au mythe de l’homme viril qui fait de la muscu et envoie des fusées dans l’espace pendant des années, Gillette semble bien déterminé à changer la nature de sa communication.
Cette semaine, Gillette et l’agence Marcel ont dévoilé une nouvelle campagne en France. Cette dernière s’inscrit évidemment dans une tendance sociale d’inclusivité et de progressisme, valeurs presque obligatoires aujourd’hui dans une campagne de pub. Un terrain de jeu dans lequel Gillette a déjà perdu quelques poils l’année dernière, rappelez-vous. L’enjeu est donc à double tranchant (sans mauvais jeu de mots) pour la marque rasoir : comment faire évoluer son discours sachant qu’il risque de sonner faux compte tenu son héritage ?
Marcel s’est prêté au jeu en dévoilant une série de prints et de 3 films. Une campagne qui présente une nouvelle jeunesse plus diversifiée, plus inclusive, avec des problématiques et questions de la vraie vie. Gillette n’est plus dans la surreprésentation de l’homme parfait, que chacun doit s’efforcer d’atteindre dans sa vie, mais plutôt dans l’acceptation de soi. La marque fait donc évoluer sa « perfection au masculin » en parlant de ce qu’il y a de plus beau chez les hommes : leur diversité et leurs imperfections (Meetic ?).
L’intention est bonne, on comprend bien que Gillette souhaite faire évoluer ses valeurs et démystifier le cliché de l’homme parfait. Gillette ne souhaite plus s’adresser aux « machos » mais à toi qui regarde cette pub (si t’es un mec). En gros à l’ensemble des hommes. À l’ensemble des hommes ? En est-on vraiment sûr ?
En fait je me pose une question : qu’est-ce que la véritable perfection au masculin ? Si on décide de parler à tous les hommes, est-ce qu’il n’aurait pas été judicieux d’inclure également la typologie de l’homme viril, « cliché », qui se bute à la muscu par exemple ? Le mec que représente Gillette dans toutes ses pubs depuis plus de 40 ans en fait. Car oui, ils font aussi partie du spectre masculin.
On est donc en droit de se demander ce qu’est la vraie inclusion et les profils qu’on décide de mettre dedans. C’est le problème lorsqu’on traite ce sujet : en voulant absolument représenter l’inclusivité, est-ce qu’on n’en vient pas à exclure indirectement des catégories de personnes ?
Alors je force un peu sur l’analyse car on comprend l’idée que Marcel a voulu partager dans cette campagne : présenter, en gros, une masculinité « normale ». Les vrais hommes qui font la masculinité de tous les jours et non la masculinité que l’on veut nous faire croire à travers le cliché du mec viril depuis des années. Et c’est une très bonne chose.
Sur un autre sujet : ils font vraiment la tronche sur les prints. Un petit sourire pour éviter de confondre cette campagne avec une pub Xanax aurait été judicieux à mon sens. Si on parle de la vraie masculinité, il faut en être fier et le montrer sur son visage ! Là on est plutôt sur la dépression au masculin. Alors peut-être que l’idée c’est de montrer des hommes « bruts », à nu, sans émotion, mais ça manque clairement de joie de vivre.
C’est pour ça que je trouve les films plus réussis. Ils montrent des vrais moments de vie, dans lesquels on peut plus facilement s’identifier : un père qui assiste à un moment fort, un jeune qui cherche à en draguer un autre et un mec qui part demander la main de son amoureuse à son père. Je trouve qu’ils font moins « opportuniste » que les prints.
En tout cas, c’est un sujet intéressant, car le curseur est très sensible et difficile à bien placer sur ce type de campagne. La thématique est compliquée à traiter et le retour de flamme peut être violent. On s’attaque à un sujet de société qui peut être clivant. Marcel parvient ici à faire évoluer la marque, même si on a l’impression que cette dernière se cherche encore un peu dans les nouvelles valeurs qu’elle veut montrer.
Dans tous les cas, c’est une bonne nouvelle de voir des marques comme Gillette devenir acteur du changement. L’inclusivité est une très bonne chose si elle est bien faite. Le problème encore aujourd’hui, et pas seulement dans cette campagne, c’est qu’on peut trouver que ça manque un peu de naturel et de spontanéité.
J’ai hâte de voir la suite en tout cas et n’hésitez pas à me partager votre point de vue dans les commentaires pour qu’on puisse en discuter.
Crédits Marcel :
Co-Présidents : Charles Georges-Picot et Pascal Nessim
Chief Creative Officer Publicis France : Anne de Maupeou
Directeurs de la création : Gaëtan du Peloux, Youri Guerassimov
Directeurs de création : Remy Aboukrat
Directrice artistique : Alice Labau
Concepteur rédacteur : Rémi Dias Das Almas
Managing Partner et Directeur des Stratégies : Nicolas Lévy
Partner et Head of Global Business : Christophe Neyret
Directeur Conseil : Thomas Lec’hvien
Chargée de clientèle : Margaux Saltiel
Chefs de projet : Floriane Michaud, Marine Borreil
Head of Production : Cleo Ferenczi
Post production : Prodigious / Jean-Philippe Tapia
Montage : Olivier Gajan / Farid Kada
Étalonnage : Prodigious / Régis Oyer
Son : Prodigious / Fabien Cornec
Musique : Woodbox Records
Editeur : Les Editions du Tigre