Quand l’imaginaire féérique des studios Ghibli rencontre la brutalité des catastrophes environnementales, cela donne une campagne aussi troublante que brillante.
Greenpeace, en collaboration avec Ogilvy Greece, a lancé une initiative virale qui détourne l’esthétique douce et poétique du célèbre studio japonais pour révéler une réalité bien moins magique : celle d’un monde en crise climatique. Et si cette campagne frappe fort, c’est parce qu’elle utilise les codes les plus viraux du moment pour mieux les retourner.
Une tendance virale, un contraste saisissant
Depuis quelques semaines, la “Ghiblification” inonde les réseaux sociaux. Cette tendance, propulsée par des outils d’intelligence artificielle, permet de transformer des photos du quotidien en scènes animées à la sauce Ghibli : arbres lumineux, ciels pastels, visages ronds et expressifs, atmosphères oniriques. Un univers qui fait appel à la nostalgie et au confort visuel, et qui s’est rapidement imposé comme un nouveau filtre viral.
Mais là où la plupart se contentent de Ghiblifier leurs selfies ou leurs chiens, Greenpeace a choisi d’aller à contre-courant, en appliquant ces mêmes filtres à des images de catastrophes environnementales : forêts en feu, inondations massives, plages saturées de plastique. Le résultat est aussi dérangeant que puissant : la beauté visuelle adoucit l’horreur, mais ne parvient pas à la masquer. Bien au contraire, elle la rend encore plus criante.
Ce contraste forcé permet à Greenpeace de poser une question simple, mais urgente : jusqu’où irons-nous pour rendre l’insoutenable “regardable” ?
Un détournement malin du langage numérique
Ce qui rend cette campagne si pertinente, c’est sa capacité à parler le langage des plateformes sans trahir son message. Au lieu de rejeter les tendances numériques, Greenpeace les embrasse… pour mieux les retourner. En intégrant ses visuels dans le flux de la Ghiblification mondiale, l’ONG ne se contente pas de diffuser une alerte écologique : elle s’infiltre dans la conversation.
Et c’est là toute l’intelligence du concept. À l’heure où les timelines sont saturées d’images lisses, de filtres embellissants et de contenus générés par IA, cette campagne vient rappeler une vérité fondamentale : aucune esthétique, aussi soignée soit-elle, ne peut camoufler la réalité.
Les images parlent d’elles-mêmes, mais le message vient les renforcer : “No filter can hide the truth. No aesthetic can erase the damage. And no AI can replace real environmental action.” En une phrase, tout est dit : les filtres ne sauvent pas les forêts, les likes ne nettoient pas les océans.
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Une alerte écologique ancrée dans la culture digitale
Avec cette campagne, Greenpeace s’adresse directement à la génération ultra-connectée, celle qui vit en stories et pense en reels, mais qui est aussi la plus concernée par l’avenir de la planète. Plutôt que de moraliser ou de culpabiliser, l’ONG choisit une approche culturellement fine et émotionnellement puissante.
Le succès de la campagne ne tient pas seulement à son visuel déroutant, mais à sa capacité à créer une rupture dans le scroll, à forcer l’arrêt, la réflexion, et (on l’espère) l’engagement. C’est une nouvelle manière de faire de la sensibilisation écologique : en s’appuyant sur les tendances, en les hackant pour en faire des leviers d’impact.
Et dans un contexte où l’IA soulève de nombreuses questions éthiques — notamment sur la place de la créativité humaine, la véracité des contenus ou encore l’estompage de la réalité — Greenpeace frappe là où ça fait mal, en montrant qu’on peut tout embellir… sauf les conséquences du dérèglement climatique.
La campagne est un exemple remarquable de brand activism intelligent, qui combine maîtrise des codes numériques, pertinence culturelle et engagement sincère. Elle rappelle que les enjeux écologiques ne sont pas qu’une affaire de scientifiques ou de politiques : ils sont aussi une question de narration, d’imaginaire et de choix de société.
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